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Correspondances et cartes

Voyageur, étonnant !

- Posté en Du côté de par

Dans le ventre chaud du Léviathan, on aime se vautrer sous la surveillance des mères évertuées à attendre les départs.

Car on part de nos jours et plus qu'on ne le croit. Simplement, on se rend en masse dans des mers du Sud étonnantes certes, mais laides et sévères comme les anciennes tenancières des commerces qui comptaient aussi bien et même mieux que les comptables oblats et clercs des institutions vénérables et froides aux mains des pères absentés.
En se rendant au delà des milieux surchargés, on gagne plus, il parait.
Et si on s'en va dans des places off-shore d'entre les frontières, c'est aussi pour rêver d'un ailleurs, d'une vie d'outre-enfance qui s'exubèrerait des confins.

De prodigue, on reviendrait exote soi-même, paré des rêves qu'on a perdu en chemin. Enfin son Je transcendé en un autre qui serait inconnu à soi-même et nous serions fier d'avoir mué, de le faire savoir rien qu'en apparaissant à nouveau, heureux d'avoir fait un voyage.
Et de pouvoir mentir. Oui. Mentir son soûl.

Car on raconterait n'importe quoi, des êtres et des paysages inventés mais que nous avions poursuivis vainement.
L'espoir de l'Autre, nous l'avons définitivement abandonné.

Alors que nous étions venus là pour se garder une place là-bas dont nous venions, d'autres étaient déjà dans cet ailleurs surévalué pour se construire une place qu'ils n'avaient jamais eu là d'où ils s'étaient enfuis et ils étaient habités par avance de la peur qu'on la leur volât quand ils seraient retournés.
En fait, nous avions en tête les mêmes calculs.
Et de nos paris respectifs lesquels étaient les plus sûrs ?
Nous ne le savions plus.
En tous cas, c'était certains nous étions absolument semblables, au mot près.

Ailleurs, le temps est suspendu car il n'y a pas d'occasion de s'installer. Tout y est si prévisible et transitoire. Transit est le maître-mot des conditions hagardes de ceux qui œuvrent pour des économies. Les grandes qu'ils servent, les petites qu'ils accumulent pour leur retour.

À quoi bon révéler des vérités prosaïques :
Nous étions si seul le matin dans la chambre vide de toute humanité. Un oiseau accroché sur le rebord étroit de la fenêtre étanche perçait l'insonorité industrielle de ses cris affreux d'animal, adressés à l'animal que nous étions nous-même, s'éveillant à peine. Aussi, seul nous étions, avec, en plus, la conscience de notre faim de quelque chose pour laquelle nous n'avions pas de mots.

Et ce n'était pas seulement de nutriments pour la chair dont nous manquions, mais d'idéal. Car c'est ainsi que nous sommes au lointain, sans idéal autre que celui d'un épicier qui se voudrait poète et non qu'il l'a été comme notre premier précurseur sur ces chemins inter frontaliers et sauvages.

Qui a fait une odyssée, qu'il la raconte !
Ô oui, qu'il ne se prive pas !

On y croira avec ferveur nous qui consumons notre jeunesse ailleurs et nos parents qui nous ont hypocritement laissé partir comme pour une campagne qui cache son nom seraient rassurés par des histoires.

Personne ne saura que vous avez inventé un invraisemblable. Nous, c'est certain, on ne détrompera personne.

Juré, nous serons votre jury d'honneur. À vous, raconteur de notre légende.