Îles

Correspondances et cartes

Renga de la fin du siècle.

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Sous les volets de mes paupières closes
Le ciel délivre un bleu incandescent.
Derrière la vitre de ma mémoire, j'ose
Brûler l'image de ce ciel qui descend.
Le sacrifice des souvenirs est un plaisir sauvage.
Comme le pire des fanatiques fracassant ses icônes,
J'éclabousse d'amertume mon passé sans âge.
Où est mon ciel sans nuages ?
Je le cherche et l'appelle.
Il me fuit. Je m'épuise. - Île - Détourne tes yeux
Ils me troublent,
Des eaux brouillées aux cils si fins,
Pupilles noires où j'aimerais plonger…
Je ne puis ; détourne
Tes regards, leur tendresse
Brune m'importune,
Comme le souvenir d'un bonheur aliéné.
Détourne tes yeux d'Orient,
Ton esprit délicat, détache-moi de toi.
À jamais.
Pour toujours

Voyageur, étonnant !

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Dans le ventre chaud du Léviathan, on aime se vautrer sous la surveillance des mères évertuées à attendre les départs.

Car on part de nos jours et plus qu'on ne le croit. Simplement, on se rend en masse dans des mers du Sud étonnantes certes, mais laides et sévères comme les anciennes tenancières des commerces qui comptaient aussi bien et même mieux que les comptables oblats et clercs des institutions vénérables et froides aux mains des pères absentés.
En se rendant au delà des milieux surchargés, on gagne plus, il parait.
Et si on s'en va dans des places off-shore d'entre les frontières, c'est aussi pour rêver d'un ailleurs, d'une vie d'outre-enfance qui s'exubèrerait des confins.

De prodigue, on reviendrait exote soi-même, paré des rêves qu'on a perdu en chemin. Enfin son Je transcendé en un autre qui serait inconnu à soi-même et nous serions fier d'avoir mué, de le faire savoir rien qu'en apparaissant à nouveau, heureux d'avoir fait un voyage.
Et de pouvoir mentir. Oui. Mentir son soûl.

Car on raconterait n'importe quoi, des êtres et des paysages inventés mais que nous avions poursuivis vainement.
L'espoir de l'Autre, nous l'avons définitivement abandonné.

Alors que nous étions venus là pour se garder une place là-bas dont nous venions, d'autres étaient déjà dans cet ailleurs surévalué pour se construire une place qu'ils n'avaient jamais eu là d'où ils s'étaient enfuis et ils étaient habités par avance de la peur qu'on la leur volât quand ils seraient retournés.
En fait, nous avions en tête les mêmes calculs.
Et de nos paris respectifs lesquels étaient les plus sûrs ?
Nous ne le savions plus.
En tous cas, c'était certains nous étions absolument semblables, au mot près.

Ailleurs, le temps est suspendu car il n'y a pas d'occasion de s'installer. Tout y est si prévisible et transitoire. Transit est le maître-mot des conditions hagardes de ceux qui œuvrent pour des économies. Les grandes qu'ils servent, les petites qu'ils accumulent pour leur retour.

À quoi bon révéler des vérités prosaïques :
Nous étions si seul le matin dans la chambre vide de toute humanité. Un oiseau accroché sur le rebord étroit de la fenêtre étanche perçait l'insonorité industrielle de ses cris affreux d'animal, adressés à l'animal que nous étions nous-même, s'éveillant à peine. Aussi, seul nous étions, avec, en plus, la conscience de notre faim de quelque chose pour laquelle nous n'avions pas de mots.

Et ce n'était pas seulement de nutriments pour la chair dont nous manquions, mais d'idéal. Car c'est ainsi que nous sommes au lointain, sans idéal autre que celui d'un épicier qui se voudrait poète et non qu'il l'a été comme notre premier précurseur sur ces chemins inter frontaliers et sauvages.

Qui a fait une odyssée, qu'il la raconte !
Ô oui, qu'il ne se prive pas !

On y croira avec ferveur nous qui consumons notre jeunesse ailleurs et nos parents qui nous ont hypocritement laissé partir comme pour une campagne qui cache son nom seraient rassurés par des histoires.

Personne ne saura que vous avez inventé un invraisemblable. Nous, c'est certain, on ne détrompera personne.

Juré, nous serons votre jury d'honneur. À vous, raconteur de notre légende.

Grave for Baudelaire.

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Jacques Aupick.
Jacques Aupick.

Chance is not abolished by a rigged die launch. Liquefy the dream. And pushed our self between floating waters freed from its own mass, soothed the loving sleeper into the depth of the naked truth of reverie, living its true life. With eyes closed, looking inward, the artist delivers a beautiful image of her face on the shining surface of the clear satin waters. Our eyes captivated by the mystery so close, which is not revealed because of the metaphor, here, in absentia, necessarily; the image itself hides the absent meaning: a desire that cries so loudly...

Métaphore du corps autre.

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La chute

 À ce moment, il n'est plus question d'amour.

Seulement une omniprésence, là et ailleurs, comme un désir qui se proscrit lorsque prend forme précise et se dénomme l'autre. L'autre, être de langage, de parole, et ses censures troublantes dont on se prévient de les élucider par peur de comprendre des secrets.
La proximité de leurs corps à elles, non apprêtés, leurs odeurs naturelles, leurs coiffures simples qui empêchent les cheveux d'encombrer leur visage, leurs gestuelles, l'effacement partiel de quelques rondeurs dans des replis, leurs regards sur elles.

Dans le voisinage de leurs corps, là, il n'est pas de mariée qui tienne, elles aussi, célibataires même, en quête vaguement et pourtant apprêt déjà d'une chose, comme une aspiration chevillée à la psyché.

Alors, dans la distance qui s'est réduite à quasiment rien, un abîme, extrême et si ténu à la fois. est ouvert, l'impossibilité de maintenir la moindre cohérence de soi, si, d'un seul coup, ce vide à peine supportable, cette césure imparable devait se fondre en des étreintes aberrantes et qui perdraient les embrassés, chacun dans leurs affects primordiaux dont ils se délecteraient ou bien se révulseraient avec l'effroi que procure l'expérience quasi pure des sensations sans les significations.

Si brutal et rapide serait le choc qu'il ne laisserait pas le temps d'une seule pensée, les émotions déferlant, submergeraient tout, dont le moindre signe, le plus petit dénominateur possible.

Les parties de leurs corps même, j'ai beau les renommer, l'énumération n'est qu'une liste de synecdoques de leur entièreté réduite à une image : un sein, une main, la cheville, une fesse callipyge ou leur pubis proéminent, leurs lèvres, purpurines ou d'ivoire, ourlées, dont j'entends le chuintement continu et doux des respirations. Elles ne le demandent pas, mais sans doute, je crois qu'elles préfèrent, je détourne mes yeux de leurs regards, sinon, gênées, elles resteraient en elle-même, interdites d'être autre chose qu'un exemplaire dans un imagier du féminin.
Et le lourd et lent désaveu d'elles par elles-mêmes, contraintes par une vision extérieure, malicieuse et si faussement limpide, comme une évidence de leur nature femelle, évaluable sans qu'elles n'y puissent mais. À moins qu'elles ne se soustraient ou qu'elles ne s'exposent pour « rien » ni à « quiconque » comme un gâchis de la représentation stérile d'elles et dont elles sont les virtuoses performatives. Du moins, certaines.

Quand personne ne les regarde, quand bien même elles restent indifférentes à ce qu'on les aperçoive, ne sont-elles jamais vraiment toutes seules pour elles, être singulier, unique, qui se serait fait par lui et qui procéderait de leur propre travail sur elles ?

J'ai le sentiment, comme il m'arrive aussi bien dans ma solitude qu'un fantasme hante mon self, qu'elles ont aussi cette prise à partie d'une imago particulière, cette mère-image, une hallucination invisible, idole ténébreuse aux parures violentes comme des voiles pénétrables, aux ornements clinquants et imprécis, au brillant de lames lacérantes et dont les mouvements insidieux hystérisent nos transes dépersonnalisantes.

À ce point où la perdition parait certaine et qu'on pourrait conclure par une coupure sauvagement humiliante, qui transformerait l'étroite fissure mais abyssale qui nous séparait à peine, en un infini modeste mais définitivement discriminant, l'in-touchante referait le paria renvoyé à ses fétiches, il se peut, néanmoins, qu'autre chose survienne, différent du rituel convenu de ces gestes lestés soigneusement en dessous du langage et négateurs des pensées.

Malgré les subterfuges si personnels, arrangés sans notre gré, des actes, comme un commerce, mais corporel, échangent du verbe, des phrases dont les mots ont un ordre particulier qui nous est spécifique. Et nos incarnations mutuelles chargent nos paroles des tournures gestuelles imprimées comme des blessures cunéiformes dans notre Moi malléable et sans forme notoire. Les références dans leurs phrases sont très implicites qu'elles rendent, selon leurs étranges fantaisies, comme des sortes de tissages faits de nœud multicolores et variés, leurs idées si aiguës, déchiffrables, peut-être, si je m'oublie absolument et que je lise, lise sans cesse leurs parures en verbe, mots-image. Ma lecture et leur écrits sont de la même matière de la pensée.
Et l'analogie est opératoire qui supprime le vertige ou l'accentue, au point de ne plus avoir peur de chuter mortellement.

Voyage

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Machu Pichu

En 1979, j'étais confusément en recherche d'identité. Je me figurais que vivre une expérience initiatrice révélerait ma personnalité. C'était à la fin de l'année, je me trouvais en Amérique Latine. J'avais cédé facilement à un tropisme de l'époque. Au cours d'un grand voyage, s'aventurer à la rencontre d'étrangers d'autres cultures. Au Pérou, sur le haut-plateau andin, une route relie des villes au baroquisme colonial jusqu'à Cuzco l'inca. On m'avait donné l'adresse d'un contact dans l'une de ces cités au-dessus de Lima. Le jeune péruvien m'a proposé d'assister à la fête annuelle d'un village d'où sa famille était originaire. Un train à vapeur nous y a amenés, m'écartant des touristes.
Je découvrais un paysage monotone et in-domestiqué où l'absence prédomine jusqu'à l'horizon vertical des Andes. Propriétaire de fruitiers qui faisaient sa fortune et accessoirement survivre les villageois, une dame âgée très hispanique, curieuse, m'offrait un bon accueil. Les habitants étaient indiens sauf la famille de mon hôte et le curé créole. Un incident m'exposait à une situation insolite.

On me faisait visiter les alentours quand, soudain, en approchant d'une bâtisse qui servait d'habitation à un autochtone qui représentait l'autorité coutumière, des enfants indigènes ont lancé des cailloux. Sans atteindre quiconque, il visaient sans équivoque mes hôtes. Le patron quechuan s'est interposé, suspendant la haine viscérale. Je découvrais l'effroyable hostilité entre des êtres. L'humanité même était en question, ontologiquement. Un système relationnel, comme entre deux espèces, se fondait seulement sur l'animalité des rapports de domination et de soumission. Je ne pouvais considérer un autre humain que sur un mode d'égalité essentielle. En acceptant l’Autre, je croyais accéder à son monde. Ici, j'étais au comble de l'altérité telle que je me la figurais, aux contact de civilisations si différentes. Une acculturation féroce les renfermaient tous dans le secret des liens communautaires. Le patron est venu près de moi de telle façon que j'étais entre lui et mes hôtes qui s'étaient figés. Une loi tacite régulait la distance relative entre eux. Alors, le lien de la parole a commencé de se dissoudre. Tout passait par des sensations primaires. J'ai perçu de ceux qui m'avaient conduit à  cette confrontation, la profonde répugnance de cette proximité. Mon indifférence à çà, les décevaient. Ma présence naïve a instauré l'assentiment réciproque de lever la violence habituelle de l'affrontement entre les maîtres et leurs serviteurs. Je devenais pour les descendants de colons, l'européen insolent qui ravivait des dangers par inconscience. Je devenais le visiteur magnanime pour les premiers habitants. J'incarnais l'incertitude pour tous. Avec une bienveillance désabusée, mes hôtes refermés acceptaient que je me livre à une curiosité qui leur était obscène. Ils avaient eu ce malentendu avec d'autres visiteurs. Mais l'indigène, s'est approché de moi, il m'a souri, m'a fait un petit signe, le suivre tandis qu'il allait vers sa maison, il m'a fait entrer. Dans l'unique pièce en terre battue, juste une natte sur le sol et quelques ustensiles de cuisine. Nous sommes restés là quelques minutes. Nous n'avions pas de mots, simplement nous nous souriions. Puis il m'a raccompagné jusqu'au petit groupe qui attendait dehors. Sans s'en rendre compte, cet homme m'a donné mon humanité, hors du langage, par la reconnaissance mutuelle de notre nature d'humain, à la fois proches et tellement différents. Pas de mots, les expressions de nos visages, des gestes furtifs.

J'avais une chambre dans la maison familiale mais ils ne m'ont pas ouvert l'accès à cet intérieur privé au cœur de leurs existences. Je croisais quelquefois la maîtresse du lieu. Assise dans un petit salon, elle m'invitait, avec aménité, du regard à m'installer face à elle. Si je parlais, elle baissait les yeux assez tristement. Je comprenais qu'elle ne répondrait pas. Les paroles s'évanouissaient.

La fête était bruyante de musique. Les villageois excités défilaient en désordre dans les ruelles terreuses. Des hommes me poussaient dans une cahute pleine de monde. On servait de la chicha amère, une bière de maïs. Serré entre eux, je buvais aussi. Je ne comprenais pas leur idiome. Aucun ne savait l'espagnol. Leurs gestes ne me signifiaient rien. La nuit venue, nous sortions rejoindre des orchestres. Des danses colorées tournaient autour des musiciens saouls. J'errais jusqu'à ce que des femmes moins timides me tirent pour danser chastement. J'étais un objet dont on se servait ingénument. Le côtoiement, sans menace ni affection, était un attribut de cette fête là. Je cherchais des regards ne trouvait que l'insondable. Rien ne se montrait des histoires qui les liaient. Je ne voyais qu'une folie de carnaval exacerbée par l'alcool. Je perdais la notion de la durée. J'étais hors du langage. Sans mots, sans gestes, sans médiation, le vivais le cahot de l'in-communication. L'impensable, l'indicible, l'intransmissible et l'obscur me décomposaient en une multiplicité de moi. L'incohérence m'individualisait à l'extrême. Parcellisé, je n'étais pas.“La vérité même de l’être qui se dévoile.”

Je reconnais le vide intérieur, l'insensé. Si je n'écris pas, je ne suis rien.

On dit jamais les fifties ?

- Posté en Espar par

enter image description here Les années 50, celles de Boris Vian et du bebop n'ont jamais fait florès des nostalgies-marchandises. Tant mieux ?
Une philosophe dans le miroir, ses épaules nues supportent les regards sans idées.
Tandis qu'elle, indifférente à son image même, elle pense. C'était aussi l'époque du surgissement de ce réalisme enchanté, des femmes pensantes comme jamais autant
avant elles dont on ne parle toujours pas, comme si elles n'avaient jamais existé que légendaires. Tant mieux ?
Des noms, très peu, circulent qu'on accouple à des images de corps nus, des beaux culs,
des seins magnifiques de leurs congénères contemporaines qui les illustrent comme dangereuses, plutôt des chairs de pinup que leurs pensées vénéneuses qu'on cite à peine,
bien forcé, à cause de leurs prénoms de femmes. On les case vite fait à l'ombre d'une personnalité célèbre et surtout bitée celle-là, bien masculine à défaut de virilité, vertu
dévaluée beaucoup en ce temps-là. Tant mieux ?
On dit que c'était le commencement des 30 glorieuses. Pourtant, on était si pauvres.
Je ne crois même pas qu'on avait l'espoir d'un meilleur. C'était au jour le jour…
Tant mieux ?
Staline est mort au beau milieu de la décennie, la classe populaire aussi a suivi.
Le peuple est devenu au fil de la décolonisation atroce des populations en déshérence de leurs cultures inutiles désormais et perdues très bientôt dans des brutalités indicibles. Tant mieux ?
Celles qui ont pensé tout cela, les belles spirituelles d'après-guerre. Nul amour fou pour elles après qu'elles ont été. Il faut le dire, elles nous ressemblaient si peu. Et l'amour n'est-il pas ressemblance ? L'oubli pour elles, alors.
Comme un viol par ce silence ferme et obtus de leurs idées. Tant mieux ?
On relate avec hypocrisie les évènements de cette décennie du demi-siècle, très paralittéraire, aux arts et aux musiques si solitaires et incompris. Des souvenirs ambivalents, presque mauvais, c'est pour ça, on passe allègrement à d'autres réminiscences décennales où on peut se perdre avec la complaisance perverse qu'on a des belles époques. On peut aussi se faire peur, pas trop quand même.
Un peu, c'est bien, c'est bon ! Tant mieux ?

Une philosophe dans le miroir, ses épaules nues supportent les regards sans idées. Tandis qu'elle, indifférente à son image même, elle pense.

D'un conte d'Hoffman

- Posté en Du côté de par

D'un conte d'Hoffman

Par une nuit fort tardive à Dresde malgré les réverbérations diodées des lampadaires urbains, hiératiques comme des grandes colonnes païennes d'un culte aux puissances réticulaires. Aveugles dispensateurs de visions sublunaires des insomnies glacées.

Tel est le décor. Des tripes et du sang ? Non, Willy pas cette fois-ci, c'est un conte, non un drame.

D'un Continental Palace pulse, jusqu'au cœur des nuages grisâtres, des rythmes assombris par le rudoiement des basses folles et l'ébranlement impitoyable des percussions binaires.

Les esprits abreuvés, ivres des sons, dégagés des pressions intérieures délèguent aux corps souples, ondulant leurs ombres longues, des émotions noyées à demi par des alcools, innommés fantasmes.

Délirants idéaux, les grands fleuves toujours charrient. À Dresde, l'Elbe est une légende vivante, un flux continu d'histoires de tous les possibles. Combien de figures ont moiré leurs pâleurs. Sourires et pleurs. Soupirs premiers et souffles jusqu'aux derniers.

Personnages extravagants pourtant il y a eu lors des carnavals déconcertant des valeurs sures. des terreurs aussi, rixes à sangs, des furies d'hommes, des déchaînements de femmes mimétiques dans des clameurs ordaliques.

Une Brambilla est sortie sans se férir d'une peur ingénue. Comme princesse, elle a renoncé aux frayeurs, si tôt. À sa seule vue un métalleux ahuri s'est troublé. Freak and monster Un éclair damasquin a saturé son regard. Et alors ? Un délire pur, une passion stendhalienne l'a transformé en bohémienne pour dire l'aventure.

Le métalleux ne hurle pas, assez d'essais vains ne troublent pas l'émotion esthétique d'un instant de vrai poésie, il se penche avec douceur Pour le Beau, retourne la main pour découvrir un destin dans les plis incarnats de la paume nacrée de Brambilla.

Nul n'a su ce qu'il avait déchiffré, des clameurs virils ont évanoui l'incroyable transfiguration :

Des rockers hystériques ont crié au v(i)oleur, des honnneurs pertubés des âmes droites et fines comme les lames, demeurent. Brambilla est bien triste de sa liberté si diaphane qu'elle ne se perçoit pas.

Des ordres ? Désordre ! Libertaire, solitaire, c'est la vie de Brambilla.

Homme, hystérique ? Quelque chose ne colle pas L'oxymoron dégénère en une plaisante farce de Huit-Mars. Le genre tremble ce jour là plus que les jours ordinaires ?

Ou bien est-ce déjà l'effet des équinoxes qui se fait sentir ? Une folie d'un grand air déjanté comme un romancero teutonique.

Ce soir là, un papillon de nuit précoce a voleté. Nul ne l'a vu mais un de ses battement d'aile a créé un tourbillon aussi massif que virtuel ébranlant la Toile.
Ce qui est inconcevable un 8 mars au 21 siècle...
Non ? Oui ?

Disposé à la perdition.

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J'ai rêvé la nuit dernière. De tubes verticaux, vaguement parallèles, supportaient des chiffons. On aurait dit des fragments de sac de jute au maillage grossier. Ils évoquaient les idéogrammes magiques d'une écriture ancienne et chargée de magie. Et ces barres de métal terne, assemblées en leur armature structurée géométriquement, évoquent, bien après le rêve, l'implacable pouvoir d'un dispositif dont je croyais être l'assembleur naïf qui travaillerait ainsi à son propre malheur.
 Et ce mélange de tubes métalliques et de bouts de tissu informes déploie en moi la mécanique de l'angoisse. Pris à mon propre jeu d'expression, l'automatisme échappe à la logique et je deviens pour ma plus grande frayeur l’haruspice impuissant d'un ouvrage obscur que je ne maîtrise pas.
 Le sentiment de solitude m'étreint tellement que je voudrais que l'affect douloureusement imprécis qui en découle, perde cette inférence inéluctable qui me condamne par mon travail même d'entropie.
 Je suis la cause de cette spirale qui descend dans une in-cohésion à laquelle, pourtant, je m'efforçais d'échapper, mais au sein de laquelle j'ai plongé. Par ma faute. Le goût pervers de la terreur de chuter dans le vide.
 L'angoisse est suffisamment mordante pour que je me sente obligé de transformer la souffrance en libido. Je m'impose de désirer sensuellement ces barres, comme si le sens, incorporé en une figure charnelle, pouvait procurer une sorte de plaisir à s'identifier à la forme ainsi induite par une imagination apeurée.
Et je voudrais tant que cela finisse.
 Je suis si seul qu'il me vient l'obsession d'une compagnie complice. Je me débats dans la complexité et ce que je produis est une forme qui devrait être acceptée comme un ordre dessiné sur la matière même du chaos. Cette matière que je tente désespérément de dire.
 Il y a ces chiffons insignifiants, simples morceaux d'une conscience dispersée. Les mots s'ensuivent et tentent de construire autour du désordre de l'aporie, un sens qui, ne dépendant que de moi, est condamné à la suspicion.
 Qu'au moins, un témoin intraitable et respecté des autres décrive les plaisirs étranges d'être éperdument dans le déchiffrage de sa propre signification.
 Finalement, je ne suis rien. Je veux dire que, même si je désire des étreintes symboliques, je voudrais qu'on ne me marque pas. Je voudrais n'être pas le candide dont on moque l'ignorance des rites inconnus et qui le blessent.
 La figure virile qui fait l'unanimité par la vertu de son apparence masculine, telle qu'elle se décline aujourd'hui, toute image et mouvement, grâce nerveuse du geste technique, vitesse et félinité d'assassin justicier, et qui me côtoierait sans m'anéantir ni même me maudire ou m'exposer à la vindicte.
 On dit que les femmes font parure de la moindre étoffe à leur portée. Alors ces chiffons serrés aux barres, quelle signification autre que celle d'une femme liée à cette structure coercitive et qui serait alors le véritable objet du désir, ou bien, le signifiant incalculable de la métaphore de ma parole encore silencieuse, alors je l'adorerais bien trop tôt avant qu'elle ne se reconnaisse icône.
 Pourquoi dans cette grande salle commune, alors que j'essaie de trouver, pour moi, une place où s'allonger, à demi couchée, dévêtue, mais en partie recouverte d'un drap, elle paraît s'éprendre de moi ? Et pourquoi je suis pris de l'envie d'agir afin de l'attirer contre moi et d'éprouver la maigreur de ses membres ? Si je ne sens pas sa poitrine, ses seins sont tellement menus, ce manque évident du féminin m'attire au point de faire sourdre encore le besoin d'élucider l'inquiétude qui l'étreint. Sa question muette qui est toute dans son regard, je me la pose sans l'énoncer, et le devoir de la résoudre dont je m'affuble, parce que j'interprète ainsi le don d'elle qu'elle paraît me faire, probablement à contrecœur, ne me concerne que parce que j'aurai la force et l'intelligence de son élargissement. Donc, de sa fuite loin de moi, je le redoute. Je la crains autant que je crains la déception de mes extrapolations quand le temps viendra de les confronter à la réalité. J'aurais pensé tout cela en vain. Élaborant une histoire qui ne m'arrangeait pas, mais qui me donnait l'espoir, vague, je n'ose pas formuler ça tout à fait, je crois, d'une acceptation de moi par elle. Pourquoi moi ?
 Quelle est la nature de cet être qui semble s'affecter pour moi tant, que cela me parait étrange. Elle me dit qu'elle est prisonnière d'une institution, mais aussi de ses songes aberrants, et je voudrais lui promettre, mais je ne le fais pas, que, peut-être, j'ai assez de la sagesse de la femme pour la sortir de là.
 Oui, je ne le dis pas, mais qui sait si, par la puissance de mon dire, je l'élargissais de sa contrainte ? Je ne dis rien. Je pense à ce qu'il en est d'elle réellement et des choses m'apparaissent clairement sur elle et qu'elle ne m'a pas dites. Du moins, pas tout de suite, ou, plutôt, que je n'ai pas entendues quand elle me le murmurait et je pensais trop à mon propre malheur et l'incapacité dont j'ai peur de faire preuve au moment de la sortie. On nous arrêterait avant d'avoir franchi le seuil pour me maudire assez afin que je perde toute volonté et tout désir d'être.
 Cette institution supérieure comme une administration qui régit les êtres comme moi parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils pourraient bien faire de leur vie.
Qu'est-ce que tu vas devenir ? Ainsi, le professeur de littérature, complice d'aveuglement, s'adressait à moi, en public, devant tous les autres élèves amusés, d'autant plus, que leur sort d'héritiers était déterminé. Du moins, c'est la certitude qu'on m'en avait donné afin que j'approfondisse le malheur de ma perdition déjà décrétée avant que je naisse.
 Quelquefois, je voudrais partir. D'ailleurs, quand je rencontre cette jeune femme, si fille, dans le dortoir improvisé, précaire et public, peuplé de présences humaines insensibles, voire hostiles et qui se démarquent de moi, étranger, qui n'a pas le langage qu'il faudrait pour se faire entendre et acquiescer à leurs avis. Le dortoir de fortune devient alors le lieu d'un périple domestique qui consiste à chercher la place, introuvable d'ailleurs, d'une intimité sécurisée et qui ferait humanité en protégeant les prolégomènes d'une relation. Je suis étranger et elle reste, la jeune femme ambivalente comme mon désir, car je le pressens, je ne suis qu'un possible donateur d'une chose que je ne discerne pas. Et qui serait ce désir de l'autre qui est au-delà de moi et dont je suis presque certain de ne pouvoir le faire surgir d'elle.
 À chaque fois, au plus fort des élaborations compliquées du rêve, au prix d'une peur envahissante, dont l'imprégnation en moi fait qu'elle déborde de l'univers onirique décousu que je forge, sortant de la narration sophistiquée entre l'énigme et l'absurde, fuyant l'apparente logique de ses ressorts forcenés, il ne me reste que cette sensation morbide, irraisonnée : la certitude de mon ébranlement intime.
Alors, que suis-je donc, que faut-il, réduit à quasiment rien, pour exposer, sans fin, ce self défait, friable, ⁣insuffisant ?
Autofiction ?